Un article illustrant le mépris de classe.
Il illustre également la crise de légitimité de l'Etat-providence: réduire les inégalités par la redistribution ne serait pas forcément juste (ce couple étant plutôt incité à renoncer aux animaux de compagnie, aux loisirs, à avoir des enfants).
Pourquoi le quotidien d’un couple de « gilets jaunes » dérange une partie de nos lecteurs
Le
portrait, dans « Le Monde », de jeunes parents mobilisés dans le
mouvement a suscité un déluge de commentaires désobligeants à leur
égard.
Une écrasante majorité d’entre eux expriment une grande hostilité à l’égard du mode de vie de cette famille, installée dans l’Yonne. Tout leur est reproché : le fait qu’ils aient quatre enfants à 26 ans, qu’ils touchent 914 euros d’allocations familiales, que la mère ne travaille pas – même si c’est pour éviter des frais de garde trop élevés –, le montant de leurs forfaits téléphoniques, le fait qu’ils aillent au McDo, qu’ils achètent des vêtements de marque à leurs enfants, et même qu’ils aient un chien.
La virulence des commentaires sur Internet n’est ni une nouveauté ni représentative de l’ensemble de la population. Pour autant, le déluge d’attaques dont le couple fait l’objet interroge. Pourquoi tant d’hostilité ? « Si l’article était paru dans la presse locale, cela n’aurait pas suscité de réaction, car c’est ce que les gens vivent. Il décrit simplement le quotidien d’une famille populaire, observe Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Ceux qui sont choqués sont issus des classes supérieures [surreprésentées parmi les lecteurs du Monde]. Cela relève d’une haine sociale et d’un mépris de classe », estime-t-il (...).« Ceux qui sont choqués sont issus des classes supérieures. Cela relève d’une haine sociale et d’un mépris de classe », Louis Maurin
D’autres vont plus loin en les accusant d’être de « faux pauvres ». Avec ses 2 687 euros de revenus, aides incluses, la famille de Jessica et Arnaud se situe pourtant juste en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 2 770 euros pour ce type de famille, selon l’Insee. « A titre de comparaison, le revenu médian, pour un foyer de deux adultes et quatre jeunes enfants, est de 4 300 euros, rappelle Louis Maurin. On est donc très loin des revenus de ce couple. Mais les gens ne se rendent pas compte des niveaux de vie de la population française. » (...)
Avec Jessica et Arnaud, la curiosité se double de la conviction d’avoir un droit de regard sur leurs finances puisqu’une partie importante de leurs revenus vient des allocations, versées grâce aux impôts de la collectivité. Les choix qu’ils font au quotidien irritent d’autant plus que l’argent venant des aides est considéré comme « peu légitime, non mérité, contrairement à celui qui vient du travail », selon la sociologue.
« Ma compagne et moi payons (avec plaisir) environ 1 200 euros d’impôts par mois… Je ne suis pas sûr d’être content d’apprendre qu’ils servent à ce couple à se payer des forfaits trop chers et des vêtements de marque. Cette révolte [des “gilets jaunes”] est définitivement celle des assistés », écrit ainsi un lecteur. Les classes supérieures bénéficient pourtant, elles aussi, d’aides – tout le monde a notamment droit aux allocations familiales –, mais elles sont moins visibles dans l’immédiat, parce qu’elles passent beaucoup par la défiscalisation.
Au final, si ces « gilets jaunes » agacent tant une partie des lecteurs, c’est parce qu’ils sont à leurs yeux de « mauvais pauvres » faisant de « mauvais choix » (...)
« Ils appartiennent à une catégorie de plus en plus identifiée : les classes moyennes fragiles, explique Jeanne Lazarus. Ils cherchent à s’accrocher au mode de vie de la classe moyenne : être bien habillé, avoir une part de plaisirs, ne pas être uniquement dans la contrainte. Et quand tout s’effrite, c’est par la consommation qu’on trouve une place dans la société. » Or, ce que leur renvoient les commentaires, c’est qu’ils ne devraient pas s’autoriser ces « petits plaisirs ». « C’est très violent, socialement. C’est une façon de dire qu’ils doivent se satisfaire de leur place », poursuit la sociologue. (...)
Recontacté après la parution de l’article, Arnaud assure que les commentaires virulents « lui passent complètement au-dessus ». A ceux qui les jugent, il répond simplement ceci : « Si les gens veulent échanger, je prends leur vie sans hésiter. »
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