Sans vouloir vous déprimer...
Article permettant d'illustrer l'absence de réelle méritocratie dans la sélection des élèves par Parcoursup.
Alternatives Economiques
n°386 - 01/2019
Parcoursup : cruelle méritocratie
27/06/2018
Rationalité et méritocratie, tels sont les deux
principes de base du dispositif Parcoursup. Rationalité, car il
s’appuie sur les données statistiques qui indiquent qu’en
moyenne les jeunes ayant tel ou tel profil ont telle ou telle chance
de réussir les études projetées. Ainsi, en moyenne toujours, les
chances de succès des bacheliers professionnels dans les filières
générales ou celles de bacheliers non scientifiques en Médecine
sont extrêmement faibles.
Des principes... à leur application
Les problèmes commencent avec l’application de ce
principe, certes discutable mais qui ne présente a priori rien de
scandaleux. En effet, quelle que soit la subtilité des algorithmes,
vu le nombre des concurrents, la prise en compte du niveau scolaire
revient à classer les candidats sur des différentiels de points
tellement minimes que cela ne veut plus rien dire. Le tri entre les
reçus et les collés frise alors… l’irrationnel.
Violence du message
Mais il y a aussi, entre les principes et leur application, un angle mort qu’un minimum de proximité, voire d’empathie avec les jeunes aurait permis d’anticiper. Cet angle mort, c’est celui de la réception du message envoyé aux candidats sur la base de leurs caractéristiques personnelles, niveau scolaire et « motivation ». Car si on peut se révolter contre un « système » qui vous élimine par tirage au sort, il est bien plus cruel d’être mal classé ou rejeté parce que l’on est jugé « pas assez bon ». Ou encore de voir considérée comme inadéquate sa lettre de motivation, donc son projet, voire sa personne… On semble ainsi mériter son élimination (différée).Certes, les lycéens évoluent depuis les débuts de leur scolarité dans un système où le mérite est sans cesse invoqué pour justifier notes et décisions d’orientation. Ceux qui travaillent sont censés être récompensés, la hiérarchie entre bacs ne dérange guère, et peu de gens dans notre pays critiquent le fait qu’en moyenne les salaires suivent la hiérarchie des diplômes. Dans le cas de Parcoursup, mis en concurrence au niveau national, le lycéen se découvre « moins bon » que des milliers de jeunes, et ça fait mal ! La méritocratie, si tendance chez nos élites, est cruelle en ce qu’elle insuffle l’idée que nous méritons notre sort. Les « premiers de cordée » sont bien évidemment les premiers à y croire et donc à juger légitimes leurs privilèges (...).
Marie Duru-Bellat a été nommée le 21 juin membre du comité de suivi de la loi Orientation et Réussite des Étudiants (ORE), dont découle Parcoursup. Cette chronique a été rédigée antérieurement à cette nomination.
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