conflits sociaux: Pathologie ou normalité?

Un très bon article de la revue Alternative Economique parue en juin 2018. il montre les enjeux du sujet et présente clairement le débat.

https://www.alternatives-economiques.fr/conflits-sociaux-pathologie-rouage-democratique/00084971

Extraits:



Manifestations

Les conflits sociaux : pathologie ou rouage démocratique ?

Alors que la colère gronde dans certains secteurs et tend à s’exprimer par diverses formes d’action collective, arrêts de travail ou occupations notamment, certains y voient avant tout un blocage stérile du cours normal de la vie économique et sociale, voire une entrave à la liberté de se déplacer ou d’étudier. C’est oublier qu’exprimer son désaccord constitue un droit fondamental en démocratie, mais aussi un élément indispensable à sa régulation*. Pour le saisir, il importe tout d’abord de clarifier ce dont il est question. (...)

Emile Durkheim lui-même percevait dans les conflits, entre patrons et salariés notamment, un facteur d’anomie** menaçant la cohésion sociale.
Karl Marx voyait tout au contraire dans les conflits sociaux le moteur du changement social, n’hésitant pas à affirmer en ouverture du Manifeste du Parti communiste (1847), rédigé avec Friedrich Engels, que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes ». Il veut dire par là que c’est la défense, par les agents partageant une même position dans les rapports de production, de leurs intérêts communs et nécessairement divergents des autres qui détermine en dernière instance toute évolution politique. Et de fait, c’est bien par la lutte que les travailleurs ont pu conquérir un certain nombre de droits sociaux. (...)


Plus encore, lutter ensemble favorise la cohésion au sein du groupe mobilisé et contribue à la construction d’une identité commune, contrant de cette façon les tendances à l’isolement. La participation à un conflit constitue de ce fait une expérience socialisatrice intense qui favorise souvent un intérêt durable pour la politique ainsi que divers apprentissages impliqués par les nécessités de l’auto-organisation2. Au-delà, les conflits contribuent à verser dans le débat public certains enjeux engageant toute la société : aurions-nous autant discuté du service public ferroviaire sans le conflit à la SNCF ?
Enfin, loin de s’opposer à la négociation, les conflits du travail vont en réalité souvent de pair avec cette dernière : c’est en effet dans les organisations où l’on dénombre le plus de conflits que l’on négocie aussi le plus souvent3. Une tendance à l’individualisation de la conflictualité au travail s’observe cependant, qui se manifeste par exemple par une montée des recours aux prudhommes au détriment de la grève, et n’est pas sans lien avec des pratiques managériales entravant la formation de collectifs.

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